Après 7 mois de convalescence suite à la plus grosse blessure de sa vie, Joan Kerkhove a fait son retour fin janvier sur les terrains. Un retour, qui ne passe pas inaperçu puisqu’en 4 matchs, il a déjà 7 points pour 5 buts, ce qui le place déjà au 4e rang des pointeurs de son équipe et 3e meilleur buteur de son équipe à égalité avec Lambert Hamon. Retour en interview sur ces 7 mois et sur ce début de saison tardif pour le montchavinois devenu grenoblois.
1. Est-ce que tu peux nous refaire le film de ta blessure?
La blessure, c’était le 30 mai 2021 en stage Equipe de France en vue des mondiaux. C’était globalement un bon stage et sur le dernier match du stage, je me suis blessé le long de la bande. J’ai senti le genou craquer. J’ai tout de suite compris que quelque chose n’allait pas. Suite à ça, j’ai passé pas mal d’examens, et il s’est avéré que c’était une entorse du genou, avec déchirure du ligament latéral interne et rupture complète du ligament croisé antérieur. Là, je savais que c’était l’opération et une convalescence entre 7 et 8 mois.
2. Comment s’est déroulée ton opération et remise en forme? Est-ce que tu as eu de la chance dans ta guérison ou a-t-elle été plus longue prévu?
Je me suis fait opérer le 28 juin 2021, 1 mois après la blessure. L’opération a été reculée, puisqu’on devait attendre que le genou dégonfle et ensuite le muscler afin de réduire le temps de rééducation post-opération. D’un point de vue personnel, je savais que je ne pouvais pas faire autrement que passer par la case opération et rééducation. J’étais positif et je savais que j’allais revenir vite et aussi bien qu’avant. J’étais déterminé. J’ai été pas mal soutenu et pas mal de gens ont été surpris par ma motivation. Je pense que cette motivation a joué dans ma convalescence.
Le jour de l’opération, j’étais anxieux. C’était la première de ma vie. Après, l’opération en elle-même, je ne me souviens de rien, une fois qu’il t’endorme, tu ne vois plus rien. Quand je me suis réveillé, j’ai su direct que l’opération s’était bien déroulée. À partir de là, c’était entre ma jambe et moi. Pour autant, la semaine qui a suivi l’opération a été de loin la plus dure… Je n’étais plus du tout autonome. J’avais des béquilles, une attelle, on devait mettre du froid toutes les 30 minutes. Que ce soit la douche ou les toilettes, j’étais obligé d’être aidé. Tu rajoutes à ça, la douleur et c’était vraiment compliqué. Je dépendais de mes amis et de ma famille, ce qui est quelque chose que je n’aime pas.
Par contre la rééducation, c’est quelque chose d’autre. Tu te fais masser chez le kinésithérapeute tous les jours, pendant deux heures puis tu travailles à essayer de bouger, essayer de faire du vélo. Pour toi, tu es actif, mais en fait, c’est rien. J’ai été à Saint Martin Le Vinoux au cabinet SportLab près de Grenoble. Ils ont de très bons kinésithérapeutes, dont celui qui s’occupe de l’Equipe de France de Hockey sur glace. Il avait une bonne connaissance du sujet. C’est lui qui m’a suivi. Il a été un excellent soutien. J’ai un peu vécu cette convalescence à 2 avec lui. Quand tu passes deux heures tous les jours avec quelqu’un, ça aide. Il était vraiment là à m’encourager, me réconforter, quand ça n’allait pas. Ça a été une énorme source de motivation.
Les débuts ont été un peu lents. Mon genou a eu du mal se tendre et se plier. Mais une fois que les amplitudes sont revenues, j’ai pu vite reprendre un peu le vélo, la marche, des petits runs, des exercices de musculation et juste ça, c’était satisfaisant. Après 5 mois, j’ai pu remettre les rollers et une fois passer ce cap, la reprise a été encore plus rapide.
Honnêtement, une fois les pieds dans les patins, j’ai du réapprendre à patiner, revoir les techniques de patinage et retrouver mes sensations. J’ai dû refaire un dernier test avec le chirurgien pour voir si j’avais totalement récupéré, et si les valeurs entre ma jambe gauche et droite étaient les mêmes. Et je peux dire que oui, puisque la jambe qui est passé au bistouri est presque plus forte que l’autre maintenant.
À la suite de ça, j’ai eu le feu vert pour reprendre les entraînements avec une attelle en y allant doucement et maintenant, les matchs.
Finalement, la rééducation s’est déroulée plus vite que les estimations de départ et c’est super, mais ce n’est pas encore fini. On reste prudents, la moindre douleur, ou genou qui enfle, on prend des précautions, et je peux me permettre de sauter un entraînement. On fait tout pour qu’il n’y ait pas de rechute.
3. Est-ce que tu penses avoir appris sur toi pendant cette période ? Qu’est-ce que tu en tires en tant que personne et athlète?
Pendant cette convalescence et remise en forme, j’ai appris sur moi. Je me suis rendu compte que j’avais de la chance de pouvoir marcher, courir et faire ce que je veux avec mon corps en activité physique. La blessure fait partie de la vie d’un sportif, ça n’arrive pas qu’aux autres et quand ça t’arrive, il faut rester déterminé sur tes objectifs et ne jamais rien lâcher.
C’est un travail sur soi-même. J’ai toujours été actif, et là, je l’étais moins. Faut s’habituer. Tu as toujours envie de faire plus, d’aller marcher avec les béquilles. J’ai dû prendre sur moi et relativiser. Il a fallu que je freine, que je me mette des barrières et prendre mon mal en patience. Je ne suis pas forcément le plus patient. J’ai dû attendre des mois avant de remettre les rollers, et la crosse dans les mains. Ça a été un gros travail sur moi-même et dans cette blessure, je ne vois que le positif et j’en suis content.
Comme dit avant, je me suis rendu compte que les blessures ça fait parti de nos vies de sportifs, et dans le malheur, il faut en tirer des points positifs. Je me suis focalisé sur ma jambe et mon retour et ça a été une réussite. Malgré la blessure, c’est à nous de travailler pour revenir à notre niveau d’avant et à celui des autres. Après blessure ou pas, il faut travailler et persister et la progression se fait de là.
4. Ton retour coïncide avec un regain de forme de Grenoble est-ce que tu vois un parallèle ? Qu’est-ce que ça t’a fait de voir ton Equipe en difficulté sur ce début de saison?
Je ne sais pas si mon retour participe à ce regain de forme. Depuis que je suis revenu, j’essaye de donner mon maximum pour l’équipe et de ramasser le plus de point possible. Je pense qu’il y a un effet de groupe. Que ce soit dehors, dans le vestiaire, aux entraînements, le groupe vit bien et on bosse tous dans le même sens. Les deux, trois victoires, qu’on a eues, c’est le résultat de cette cohésion et unité de groupe.
Le début de saison, c’était compliqué. Depuis les tribunes, c’est dur, tu as une autre vision des choses et tu aimerais pouvoir enfiler les patins pour aider l’équipe. Oui, on a eu des match très compliqué face à Vierzon et Rethel, mais au-delà de ces matchs, on encaisse des défaites, où l’on perd de 1 ou 2 buts. Il manquait ce petit quelque chose en plus pour aller chercher la victoire. Rien de scandaleux, mais tu ne fais pas de match nul et ce sont des défaites où tu ne gagnes pas de points.
Malgré la blessure, j’ai essayé de me rendre utile depuis les tribunes. Tu regardes tes coéquipiers, les actions, tu félicites les joueurs et les gardiens. Tu prends les statistiques du match par exemple.
On a eu pas mal de blessure cette saison. Simon Demars, puis Lambert, ensuite Elliot et Jolan. Maintenant, c’est Julien Thomas et Nicolas Gauthier. C’est compliqué, mais on est en train de se sortir de cette mauvaise phase et on verra par la suite. Depuis le début de saison, on n’a jamais eu l’équipe type. C’est compliqué de travailler avec une équipe reconditionnée. Ça fait partie du sport et faut s’adapter, mais c’est difficile de se redonner une nouvelle identité. On continue à s’entraîner, à jouer et on avance petit à petit.
5. Es-tu content de ta reprise et de tes performances?
Je suis content de reprendre et de retrouver les sensations. Juste ça, c’est un soulagement et un bonheur. Le retour dans l’équipe avec les copains et voir la bonne ambiance fait du bien. Se faire mal aux entraînements pour bien travailler, c’est satisfaisant. Je suis content de mes premiers matchs. Le plus important, c’était de revenir avec les gars et de rejouer.
J’ai eu besoin de quelques matchs avant de retrouver l’alchimie avec mes coéquipiers et là, c’est vraiment bien. Mon premier match, c’était contre Anglet, je marque le premier but de l’équipe et après, on perd… J’aurais préféré ne pas marquer et voir l’équipe revenir avec les 3 points. On enchaîne sur Caen et la Coupe de France. J’ai marqué avec une déviation devant la cage chose, qui ne fait pas forcément parti de mon arsenal, donc j’étais content. Puis on est allé à Angers, j’ai retrouvé le chemin des filets et aussi contre Epernay, où j’ai eu de la réussite devant la cage. Je vois bien que la machine est en train de repartir et c’est positif.
Le plus compliqué, ce sont mes lacunes défensives et faut vraiment que je bosse dessus.
6. Es-tu étonné de ton retour en stage EDF ?
Pour l’Equipe de France, je suis étonné d’avoir été sélectionné pour le premier stage. C’était un compromis entre les entraîneurs et moi avec un programme spécifique. Ça m’a permis de me remettre dans le bain et à un niveau correct. Je reste étonné tout de même de cette décision. Mentalement, j’ai eu un sentiment de culpabilité. Je me suis dit que ça faisait 7 mois que je n’avais pas mis les patins, ils me sélectionnent. Ça aurait pu être quelqu’un d’autre à cette place. J’ai l’impression que je pique la place de quelqu’un d’autre, mais les sélectionneurs ont fait leur choix et j’accepte.
Le premier stage a été compliqué et mitigé. Tu joues sur grand terrain et avec les meilleurs joueurs français. Il faut retrouver tes repères, ta lucidité et l’agressivité. Je reste content parce que ça m’a permis d’enclencher la machine et je suis impatient pour le prochain stage pour montrer un autre visage et continuer à montrer que j’en veux pour être sélectionné au bout. Je veux montrer les qualités que j’avais avant ma blessure et montrer aussi que j’ai progressé sur mes lacunes. Le stage à Caen va être important personnellement, pour montrer une nouvelle image de moi.
Je veux finir par dire que je suis content de retrouver les terrains après tout ce temps, de retrouver l’équipe de Grenoble et les adversaires lors des matchs. Merci à toutes les personnes qui ont été là pour moi, merci à l’équipe SportLab pour son suivi professionnel lors de ma convalescence et de ma réathletisation !
Heureux de retrouver le public de Grenoble !
Bonne fin de championnat à tous et que le meilleur gagne…
© Crédit photo: Philippe Durbet